Enfants et jeux vidéo : La dépendance discréditée ?

L’année dernière, le Dr Daniel King de l’Université d’Adelaide a articulé sa thèse autour de la dépendance aux jeux vidéo, ses symptomes, ses dangers, mais surtout ses causes. Son étude, réalisée avec le Professeur Mark Griffiths a sémontré que l’emploi du mot « dépendance » ou « addiction » était abusif puisque c’était finalement un comportement social dysfonctionnel, provoqué par un contexte affectif et mental propices. Ainsi, il explique que les enfants ayant grandi dans des ceccules familiales distantes, où l’individu n’a pas pu développer son amour propre, sa notion de valeur intrinsèque, sera plus enclin à se tourner vers le jeu vidéo comme interface de valorisation.

La lecture de ses différentes publications permet donc de mieux comprendre le processus, et d’admettre enfin que la racine du problème n’est pas le jeu vidéo en lui-même, mais ce bagage psychologique dont personne ne s’était préoccupé auparavant.

Faisant écho au travail du Dr King, le Dr Jeroen Lemmens de l’Université d’Amsterdam vient lui aussi d’obtenir son Doctorat en dépendance au jeu vidéo après avoir fait valider sa thèse sur le sujet. Intitulée Causes et Conséquences du Gaming Pathologique, sa dissertation en quatre articles recoupe par une méthodologie similaire et une analyse tout aussi pragmatique les conclusions de King. Selon Lemmens, le profil type du joueur dépendant serait « le joueur adolescent avec des vulnérabilités psychosociales pré-existantes, comme la solitude, de faibles compétences sociales, une basse estime de soi« . C’est une évidence, mais il semblait bon de le formuler clairement pour tous les psychiatres de cirque et les journalistes mal-informés qui confondent un comportement avec une dépendance de toxicomane.

Cela rejoint les conclusions du Directeur Keith Bakker, qui s’est aperçu que les jeunes dits dépendants au jeu vidéo qu’il avait voulu traiter dans sa clinique n’étaient pas réceptifs aux méthodes classiques destinées aux toxicomanes. Il s’était rendu compte que le problème n’était pas dans l’acte ni dans la consommation, mais dans les troubles psychologiques non-résolus qui présidaient au comportement. Lemmens réaffirme plusieurs fois ce constat, qu’il avait déjà abordé en 2006 dans son livre Gameverslaving, ajoutant que « réduire le temps passé sur les jeux ne serait pas une solution efficace, parce que le problème psychologique demeure. Ainsi, un traitement et une prévention pourraient se concentrer plutôt sur des activités qui stimulent le développement d’aptitudes sociales, pour améliorer les interactions sociales, renforcer l’amour-propre dans un environnement sans jeu vidéo. »

La vision du Dr lemmens a été soumise à un chercheur de l’Université Internationale du Texas, Christopher Ferguson, qui avait lui-même écrit plusieurs articles dans le domaine. Il avoue que les conclusions de Lemmens rejoignent les siennes, et par extension dépassent le cadre du jeu vidéo pour s’apparenter à la psychopathologie.

Un second spécialiste, européen cette fois, vient ainsi rejoindre les rangs de ceux qui cherchent des réponses à ce qu’on appelle abusivement une addiction. Il suffisait seulement de commencer par poser les bonnes questions.